•  Ceci est la suite d'un article écrit il y a un paquet de temps (cliquez, ça vous emmènera sur l'article en question, au cas où vous ne l'ayez pas encore lu) : normalement, depuis, vous jouez au Jeu, et depuis, vous n'avez plus pensé au Jeu (sauf là, vu que vous venez de tomber sur mon article : du coup, vous avez perdu, ahah).

     C'est un jeu amusant, auquel on ne choisit pas vraiment de jouer, avec lequel on ne peut pas vraiment élaborer de stratégie. On est un peu prisonnier de nous-mêmes, avec ça : ce n'est pas possible d'être acteur de nous-mêmes dans ce jeu. Il n'y a que la possibilité d'être passif et d'espérer ne pas perdre (ce qui ne dépend pas de nous, et dépend à la limite de la bonne volonté de vos amis). C'est ça qui est si frustrant, il est impossible de contrôler quoique ce soit ; c'est à cause de ça, aussi, sans doute, que tant de personnes qualifient le concept de débile.

     En fait, ce n'est peut-être pas vraiment un jeu, puisqu'aucune marge d'action ne nous est prévue. Même lorsque l'on fait l'analogie entre la vie et le jeu, on n'a pas choisi de jouer au jeu de la vie, mais au moins on est libres d'y faire un paquet de choses, voire même d'y mettre fin, tandis que pour le Jeu, on ne peut rien y faire, sinon espérer de ne pas y penser. Et en plus, on y joue toute notre vie (cela dit, on est libre de mettre fin au Jeu en mettant fin à notre vie, mais c'est cher à payer pour mettre fin à un jeu, quand même).

     En tous cas, que ce soit un vrai jeu ou non (qu'est-ce qui définit un jeu ? mmh... je devrais peut-être faire un article sur le sujet, un de ces jours), on peut y gagner et on peut y perdre. Mais y gagne-t-on vraiment, à gagner ? Car après tout, le principe de la victoire, c'est qu'on l'ignore. Quelle est la valeur d'une victoire qu'on ne connait pas et qu'on ne peut de toute façon pas vivre (puisque dès qu'on prend conscience de la victoire, elle disparaît) ? Est-ce vraiment une victoire ?

     Lorsque l'on perd, au contraire, on sait très bien que l'on perd ; et c'est ça qui est frustrant (parce qu'on ne peut s'empêcher de perdre, et qu'on le sait parfaitement : quelque part, le Jeu nous nargue un peu). Mais il n'y a que lorsque l'on perd que l'on est conscient de jouer au Jeu. Au fond, perdre, c'est connaître la réalité et la regarder en face (notre échec avec) : la perte consiste en la prise de conscience. Est-ce que cela ne nous apporte pas plus qu'une victoire dont nous ne pouvons nous prévaloir (puisqu'elle est due à notre inconscience du Jeu, que nous pouvons en tirer aucun mérite, et certainement pas la vivre) ?

     Dans un drôle de retournement de situation, finalement, on pourrait se demander s'il ne serait pas mieux de perdre que de gagner. Mais penser tout le temps au Jeu n'a pas de sens non plus ; et il y a quelque chose d'un peu plus fade à concevoir un jeu dont le but serait d'y penser... Alors la saveur de la chose réside dans le fait de perdre, assurément (mais de l'assumer !). Rien n'est jamais donné, la conscience se paye...

     Et puis, j'aurais pu conclure mon article là, mais il y a une dernière réflexion que j'aimerais bien poser, tout de même. Parfois, il m'est arrivé de penser au Jeu comme à la mort : car pour les deux, on a l'impression d'y perdre en y pensant ; penser à la mort c'est penser au vide, c'est se retrouver réduit au petit bout de notre existence condamnée dès sa première seconde de vie à finir en néant. Penser à la mort, c'est négatif ; penser à la mort, c'est perdre. (Et puis, ça revient toujours, cette petite idée de la mort, on ne s'en débarrasse jamais, c'est comme s'il était nécessaire de penser de temps en temps C'est vrai, un jour je mourrai – ce qui ne veut pas dire pour autant qu'on l'ait réalisé pleinement, cela dit.) Tant que l'on vit sans penser à la mort, on gagne, on est vivants, sans peur, on profite. Mais au détriment de la conscience : il n'y a que lorsque l'on pense à la mort que l'on est conscient-e (écriture inclusive, bonjour*) de la vie... Penser à la mort, c'est gagner en sagesse, c'est aussi s'habituer à l'idée de mourir un jour, c'est mettre en perspective sa vie, c'est en tirer les conséquences. Si penser à la mort, c'est perdre, c'est une perte bien intéressante. On finit par tomber dans l'éternel cliché de l'inconscience joyeuse et du savoir malheureux (que j'ai tendance à considérer comme faux, cela dit en passant). Que vaut-il mieux ?

     Enfin. Cela fait quand même une sacrée réflexion, pour un jeu débile qui n'a sûrement été créé que dans le but de frustrer ceux qui y jouent. Mais ça me console un peu de penser tout ça, quand je perds. Je me fais l'illusion que ce n'est plus si grave, de perdre...

     

     *oui, donc, aucun rapport, mais j'essaye de me mettre à l'utilisation de l'écriture inclusive. Avant, je n'y pensais pas, mais là, ces derniers temps, j'ai amorcé une réflexion sur le sujet (a priori, je suis pour, mais il faut quand même que je creuse le sujet) ; et en attendant, je l'utilise.


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  •  Edit : bon, à ce qu'il paraît, vous êtes plein de petits malins à tomber sur mon blog en tapant « Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige explication de texte » sur Google. Du coup, désolée, mais ce n'est pas ici que vous trouverez le corrigé du commentaire composé. Dans les commentaires de l'article vous trouverez une analyse rythmique d'un des vers du poème, que vous pouvez allègrement copier si vous voulez, mais c'est tout... (Cela dit, vous pouvez me contacter ou poster un commentaire si vous voulez un coup de main, que ce soit avec ce poème ou autre chose en français ou en philosophie, je vous aiderai avec plaisir.)

     En fouillant un vieil historique de conversation, je suis retombée sur quelques photos de couchers de soleil. Il faut dire que mes parents habitent en haut d'un immeuble aux fenêtres orientées plein ouest, et que pendant des années, tous les soirs j'ai eu le droit à de véritables éclats de couleurs et spectacles vespéraux. Je dois avoir des dizaines, peut-être des centaines de photos de ces couchers de soleil perdues dans mes archives : à chaque fois, c'est tellement beau que j'ai envie d'immortaliser l'instant (mais ça ne marche jamais, aucune photo, aussi belle soit-elle, n'est à la hauteur de la réalité crépusculaire).

     J'adore les coucher de soleil, le ciel et ses couleurs m'ont toujours fascinée. Rien n'est plus inspirant et reposant que de les regarder (et ça a longtemps composé quasiment l'intégralité de mes fameuses pauses-café-sans-café).

     

     Enfin, à défaut de poster des dizaines de photos ici, voici les trois que j'ai retrouvées dans mon historique (garanties sans retouches) :

     

     

     

     

     

     

     (C'est la dernière qui me fait penser au dernier vers d'Harmonie du soir de Baudelaire.)


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  •  

     Parmi l'une des évolutions plaisantes du langages, il y a celle de l'expression ne t'inquiète pas, qui était même à la base ne t'inquiète, puisque la négation était exprimée avec la particule ne.

     Evidemment, par la suite, à cette particule s'est ajouté le pas, pour marquer encore la négation, ce qui a donc donné ne t'inquiète pas ; mais comme plus on parle et plus on a tendance à supprimer ce qui est inutile (pensez au s d'hôpital qui a été mangé par l'oralité, quand l'hospitalité a gardé le sien, parce qu'il s'agit d'un mot moins courant...), notre ne t'inquiète pas s'est vite transformé en t'inquiète pas (le ne finira un jour par (n')être plus qu'un lointain souvenir, pauvre de lui).

     Puis, par évolution encore, souci de rapidité (la langue adore faire des raccourcis), le pas a disparu, si bien que maintenant on ne dit plus que t'inquiète !. Finalement, il n'y a plus aucune trace de négation*, ce qui fait que notre T'inquiète actuel signifie en réalité littéralement : inquiète-toi !

     

     Cet exemple de l'évolution de la langue me fait toujours sourire, quand j'y pense, ou quand je l'entends. Mais pour autant, je ne m'inquiète pas...

     

    * Bon, en fait, avec un impératif dont le COD est un pronom, le pronom est après le verbe en cas de proposition positive (inquiète-toi, le toi est après le verbe), et avant le verbe en cas de proposition négative (ne t'inquiète pas, le t' est avant le verbe). Donc on peut considérer que l'ordre des mots de la proposition constitue une trace de cette négation. Mais quand même...


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  •  Je demande pardon d'avance aux brocolis que je m'apprête à offenser dans mon article. Ce n'est pas que je ne vous aime pas, mais je vous préfère loin de mon assiette. Puis c'est pas cool d'être mangé, hein ? Gentils brocolis, soyons amis. C'est mal, de manger ses amis.

     Je demande pardon d'avance aussi aux croyants et amateurs de brocolis susceptibles qui vivront mal la lecture de cet article.

     

     Mesdames et Messieurs, vous qui cherchez le sens de la vie, et désespérez de penser que c'est trop compliqué, la vie, et que de toute façon elle est absurde et vaine, et que c'est vraiment de la merde, laissez-moi vous proposer un petit jeu d'imagination.

     

     Imaginez Dieu. Imaginez que Dieu est tout seul parce qu'il n'a pas encore créé le monde.

     Jusque-là, ça va, rien de très nouveau. Maintenant, imaginez que Dieu est un brocoli. Oui, un brocoli tout vert et tout dégueu (là, je parle du goût : désolée pour les amateurs de brocolis, et désolée pour les croyants pour qui c'est carrément blasphématoire d'avoir ces considérations sur Dieu). Pour ceux qui trouvent ça chelou, réfléchissez un peu : le brocoli a quand même une forme beaucoup plus naturelle qu'un être humain. C'est une espèce de jaillissement vert, de tronc qui s'élance vers des branches qui elles-mêmes débouchent sur des petites sphères vertes. C'est esthétique, au fond, un brocoli, à défaut d'être bon (toutes mes excuses pour les amateurs de brocolis, encore une fois). On pourrait modéliser des brocolis avec des fractales. Pourrait-on modéliser un être humain avec des fractales ? Je ne pense pas. Un être humain ne possède pas la même symétrie esthétique qu'un brocoli, il faut l'admettre : et bien que j'apprécie l'esthétique d'un corps humain (voyez-vous, je suis humaine), je suis obligée de reconnaître que dans l'absolu, le brocoli est une forme plus naturelle. (Et à choisir, je préfère manger du brocoli que de l'humain.)

     Dieu est un brocoli, donc. Maintenant, imaginons que notre Brocoli divin se mette à créer le monde. Pouf, l'univers, le système solaire, la Terre, l'eau, les plantes (les arbres ressemblent un peu à Dieu, quand on y pense), puis même des brocolis, ces plantes divines à l'image de Dieu. Il y a aussi les animaux et les humains, ces trucs grands et bizarres et même pas verts mais qui vont développer une sorte d'intelligence. Si on passe tout ça en accéléré, on se retrouve directement au moment où vous râlez, et où vous dites « Putain, de toute façon, ça me casse les couilles, la vie c'est trop compliqué, ça a pas de sens, c'est absurde, c'est vain, et c'est vraiment de la merde » (en substance).

     Ah oui mais non ! Vous oubliez que Dieu existe, et que Dieu est un Brocoli (majuscule parce qu'on respecte les brocolis, ces choses divines et pas moins dégueulasses). Il faut donc que toutes les créatures sur Terre tentent de se rapprocher de Lui pour surpasser leur misérable condition et s'élever vers la spiritualité divine : autrement dit, pour cela, il faut... Manger des brocolis (pour ingérer une substance divine qui vous rapprochera de Lui) ! Eh oui. Vous râliez parce que la vie n'a aucun sens ? Eh bien maintenant, elle en a un : à vos brocolis.

     

     

     Sceptiques ? J'ai peut-être été un peu vite dans ma démonstration, c'est vrai. Il n'empêche que manger des brocolis est quelque chose de beaucoup plus naturel que faire le Bien : autant il est difficile de s'accorder sur la nature du Bien (ce qui présume encore que le Bien en soi existe : encore faudrait-il le prouver), et tout un tas de philosophes et théologiens et autres humains se sont entre-déchirés dessus ; autant même une vache trouvera naturel de manger un brocoli et le fera spontanément. (Oui, Dieu est cool, il donne un sens très simple à votre vie, et ni très compliqué à trouver, ni très compliqué à réaliser. En plus, avec ça, vous faites le plein de vitamines.)

     

     Mais, Décaféine, puisque manger des brocolis est le but de toute créature sur Terre, pourquoi est-ce que ça nous paraît si dégueu ?

     Parce que ce ne serait pas drôle, si c'était évident ! Pour que vous prouviez votre courage et votre valeur, il faut que vous affrontiez des difficultés (ici : le goût du brocoli) !

     

     Non, et surtout, parce que je vous ai raconté n'importe quoi. Ahah. (Quoi, vous vous en doutiez ? Vous n'êtes pas drôles.) La vérité, c'est qu'on ne sait pas quel est le sens de la vie. On n'a pas réussi à se mettre d'accord dessus, entre humains, et de toute façon, quand bien même on aurait été d'accord, ça n'aurait pas forcément voulu dire qu'on avait raison. Donc, rassurez-vous : pas besoin de manger des brocolis au dîner ce soir, vous avez toute mon approbation pour vous gaver de pizzas (avec ou sans ananas : je ne rentrerai pas dans le débat).

     On ne connaît pas le sens de la vie. Mais tant mieux ! Vous vous rendez compte, si on connaissait le sens de la vie, on se sentirait obligé d'agir en conséquence et de se gaver de brocolis : la misère !

     Mais, Décaféine, on pourrait aussi imaginer que Dieu est un carré de chocolat, et là, la vie serait bien plus chouette ! (Oui, je suis parano et je vous imagine me contredire à tout va, mais chut. C'est aussi pour faire avancer mon article.) Alors, déjà, le chocolat est un produit fabriqué par l'humain, et il est beaucoup moins naturel qu'un brocoli, donc ce serait plus difficile à justifier que le brocoli. Mais comme je suis une grande âme, imaginons que Dieu est un Carré de Chocolat. Eh bien, figurez-vous que ça revient au même (n'en déplaise à vos papilles) : brocoli ou chocolat, si le but de notre vie c'est d'en manger, ce n'est pas drôle. (Ne serait-ce que parce que vous finiriez par être écœurés, à force d'en manger matin midi et soir.) Dans un cas comme dans l'autre, il y a forcément des gens qui n'aiment pas ça (si, si, je connais des gens qui n'aiment pas le chocolat : je prie chaque jour pour leurs pauvres âmes). Pour ces personnes, c'est triste : le but de leur vie c'est de faire un truc qu'elles n'aiment pas. Et puis quand même, c'est triste, toute notre vie serait une espèce de grand contrôle où plus on mange des brocolis (ou du chocolat, dépend de l'hypothèse que vous avez choisie), plus on réussit. Vous imaginez la pression ? Constamment vous sauriez à quel point vous êtes dans l'échec.

     

     Eh puis, puisque le sens de la vie est si simple, ça ne vaut plus la peine qu'on s'interroge dessus. Gavons-nous de brocolis – et passons donc à côté de plein d'autres choses intéressantes, de réflexions, de remises en question, de découvertes.

      Car la vie a peut-être un sens, mais tout du moins nous ne le connaissons pas : et c'est tant mieux. Ça nous laisse la possibilité de se poser des questions sans y trouver de réponses immédiates, et donc de chercher. De penser trouver des réponses. De se rendre compte qu'on s'est trompé. De se remettre en question. De découvrir des choses, aussi, en passant.

     Ne pas savoir le sens de la vie, c'est être forcé d'agir comme si elle n'en avait pas. Et donc, d'être libre de choisir ce qui fait sens pour nous. Car vous êtes libres de manger des brocolis ou de n'en pas manger, mais ce sera votre choix à vous, issu de vos convictions (ou de la cantine, pour les plus misérables d'entre vous). Puisque la vie n'a pas de sens, trouvez le vôtre, trouvez celui que vous aimeriez qu'elle ait. Croyez-moi, c'est beaucoup plus plaisant que de manger des brocolis. Plus difficile, moins évident, peut-être : mais là, sans doute, est le plaisir.

     Donc, si on reprend à partir du moment où vous dites « Putain de bordel de merde, de toute façon la vie n’a aucun sens, c’est de la merde, j’en ai marre, ça me casse les couilles ! » (oui, vous êtes très vulgaires), voilà ce que je pourrais vous répondre : mais oui, la vie n'a aucun sens ! Mais c'est quand même mieux, non ? Imagine que le sens de ta vie soit de faire un truc pour lequel tu n'es pas doué-e, ou que tu n'aimes pas ! Là, c'est à toi de trouver son sens, à la vie... C'est pas mieux comme ça ?

     

     N'en déplaise aux brocolis, qui un instant furent l'incarnation de Dieu, Dieu n'est probablement pas un Brocoli – Dieu peut-être n'existe même pas (mais ça, ça relève de vos croyances personnelles, et ce n'est pas le sujet). Manger des brocolis n'est donc pas le sens de notre vie, et c'est tant mieux ; car la vie n'a pas de sens (ou tout du moins, comme nous n'en connaissons pas le sens, nous devons considérer qu'elle n'en a pas), et ça aussi, c'est tant mieux.

     Car la vie n'a pas de sens : elle en a donc un, celui de le trouver.


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