• Alea jacta est

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  •  Je me suis réveillée sans le réaliser tout de suite, et j'ai mis quelques temps à comprendre que quelque chose m'attendait, que quelque chose guettait mon souffle, et peut-être même retenait le sien, que quelque chose était dehors et existait — mais ce n'est qu'en me levant que je l'ai aperçue.

     Elle était là, immensément présente et ovale, comme une certitude dont on ne sait d'où elle vient, de la même puissance qu'une intuition. Dans l'air différent — mais indifférent à la fois — de la nuit nouvelle, je l'ai regardée sans savoir si elle me regardait en retour, et je l'ai laissée me réchauffer l'âme. Ensemble et sans mot dire — tout était déjà dit —, nous avons respiré la complétude et la douceur de ce monde que tous à part nous peut-être ignoraient.

     Je ne sais comment, elle m'éblouissait en même temps qu'elle me rassurait. Pierre astrale et femme aimante à la fois — si étonnamment évidente dans l'écrin du ciel. Ton rieur et câlin de loin. Complicité dans ce crime secret qu'est le regard du divin. La Lune ce soir était solaire et maternelle.


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  • (Pour ceux qui ont du mal avec l'anglais, une traduction est disponible juste en-dessous.) 

     

    “We quarrelled last March—— just before he went mad, you know——” (pointing with his teaspoon at the March Hare,) “——it was at the great concert given by the Queen of Hearts, and I had to sing

     

    ‘Twinkle, twinkle, little bat!

    How I wonder what you’re at!’

     

    You know the song, perhaps ?”

    “I’ve heard something like it,” said Alice.

    “It goes on, you know,” the Hatter continued, “in this way :—

     

    ‘ Up above the world you fly,

    Like a teatray in the sky.

    Twinkle, twinkle————’ ”

     

    Here the Dormouse shook itself, and began singing in its sleep “Twinkle, twinkle, twinkle, twinkle——” and went on so long that they had to pinch it to make it stop.

    “Well, I ’d hardly finished the first verse,” said the Hatter, “when the Queen bawled out ‘He’s murdering the time! Off with his head!’”

    “How dreadfully savage !” exclaimed Alice.

    “And ever since that,” the Hatter went on in a mournful tone, “ he won’t do a thing I ask! It ’s always six o’clock now.”

    A bright idea came into Alice’s head. “ Is that the reason so many tea-things are put out here?” she asked.

    “Yes, that’s it,” said the Hatter with a sigh: “ it ’s always tea-time, and we ’ve no time to wash the things between whiles.”

    “Then you keep moving round, I suppose?” said Alice.

    “Exactly so,” said the Hatter: “ as the things get used up.”

     

    (Alice's Adventures in Wonderland, Lewis Carroll.)

     

    ___________________________

     

    « Nous nous sommes querellés au mois de mars dernier, un peu avant qu’il devînt fou. » (Il montrait le Lièvre du bout de sa cuillère.) « C’était à un grand concert donné par la Reine de Cœur, et j’eus à chanter :

     

    « Ah ! vous dirai-je, ma sœur,
    Ce qui calme ma douleur !
     »

     

    « Vous connaissez peut-être cette chanson ? »

    « J’ai entendu chanter quelque chose comme ça, » dit Alice. 

    « Vous savez la suite, » dit le Chapelier ; et il continua :

     

    « C’est que j’avais des dragées,
    Et que je les ai mangées.
     »

     

    Ici le Loir se secoua et se mit à chanter, tout en dormant : « Et que je les ai mangées, mangées, mangées, mangées, mangées, » si longtemps, qu’il fallût le pincer pour le faire taire.

    « Eh bien, j’avais à peine fini le premier couplet, » dit le Chapelier, « que la Reine hurla : « Ah ! c’est comme ça que vous tuez le temps ! Qu’on lui coupe la tête ! » »

    « Quelle cruauté ! » s’écria Alice.

    « Et, depuis lors, » continua le Chapelier avec tristesse, « le Temps ne veut rien faire de ce que je lui demande. Il est toujours six heures maintenant. »

    Une brillante idée traversa l’esprit d’Alice. « Est-ce pour cela qu’il y a tant de tasses à thé ici ? » demanda-t-elle.

    « Oui, c’est cela, » dit le Chapelier avec un  soupir ; « il est toujours l’heure du thé, et nous n’avons pas le temps de laver la vaisselle dans l’intervalle. »

    « Alors vous faites tout le tour de la table, je suppose ? » dit Alice.

    « Justement, » dit le Chapelier, « à mesure que les tasses ont servi. »

     

    (Les Aventures d'Alice au Pays des Merveilles, Lewis Carroll, traduction d'Henri Bué.)

    (Oui, pardon, je n'ai pas ma traduction d'Henri Parisot sous la main, j'ai fait avec ce que j'ai trouvé...)

     

    ___________________________

     

    Alice par John Tenniel 26.png

    (Le Chapelier Fou, John Tenniel, illustration originale d'Alice.)

     

     Eh oui, Mesdames et Messieurs... Aujourd'hui, et pour les six mois à venir, c'est l'heure des thés !!


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  •  Inéluctablement, je finis par revenir sur ce blog. Tous les ans, ou peut-être tous les deux ans, j'y pense, je me dis, tiens, ça fait un bail. Bon, de fait, ça fait un bout de temps que y a plus grand-chose, et peut-être même que y aura jamais plus rien, mais bon, c'est plaisant à lire. Et ça donne envie de devenir médecin. Et même quand on veut pas du tout devenir médecin, ben on y apprend des trucs (médicaux, mais aussi des trucs qui servent dans la vie de tous les jours, si si). Et puis, comme je viens d'y repasser (au lieu de réviser mes Etats-Unis, honte à moi), je vous file le lien en passant :

     

    Jaddo - Juste après dresseuse d'ours

     

    C'est le blog d'un médecin (d'une médecine ?), avec tout un tas d'anecdotes marrantes et tout. C'est le genre de style d'écriture que j'aime bien, de temps en temps : détendu sans être facile pour autant. Je crois que j'aimerais savoir écrire mes articles de la même façon.

     

    Enfin, voilà. Vous saviez que ce qui a décimé les Indiens au moment de la colonisation des Etats-Unis, ce ne sont pas les colons, mais principalement les maladies qu'ils ont apportées et contre lesquelles les Indiens n'étaient pas immunisés ?


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  •  Wesh, c'est un mot sympa. C'est un mot que j'ai appris à m'approprier quand j'étais au collège, et que je l'associais encore aux « racailles » (mot mis entre guillemets, car on sait qu'il est lieu de projections et de fantasmes). Je crois que c'était par défi, parce que m'entendre le dire c'était sortir du moule de l'élève sage (presque une rébellion !) et des convenances langagières que je me devais de tenir par conséquent. Façon de montrer une forme de décalage par rapport aux stéréotypes, de se moquer des autres en passant, en les surprenant au mot.

     J'ai fini par me l'approprier — ou peut-être est-ce lui qui a fini par s'approprier mon âme : car qui sait, les mots sont peut-être, à l'instar des baguettes magiques, ceux qui nous choisissent plus que nous ne les choisissons. J'ai fini par le dire, à tout va, pour saluer, rigoler, accentuer, ponctuer.

     

     Saluer : Wesh, bien ou bien ? (Parce que si la question paraît con au premier abord, elle découle naturellement, par habitude, du premier mot ; c'est une expression culturelle que je me dois d'avoir pour accompagner mon Wesh. Et puis, parce que c'est délicieusement plaisant, de n'offrir à son interlocuteur que le choix du positif.)

     Rigoler : Eh, parle mieux, wesh !

    Accentuer : Non mais ça va pas, wesh ?!

    Ponctuer : Mais wesh, tu trouves pas que c'est un peu con, wesh, de dire wesh à chaque virgule ?

     

     Si ça ne surprend plus mes amis, habitués de longue date à ces éruptions familières dans mon langage pourtant capable d'envolées châtiées, ça continue de perturber les gens qui ne voient encore en moi qu'une petite chose intellectuelle. C'est un peu comme la marque de mon passé de collégienne de banlieue (lieu qui me semble parfois plus vrai que les cercles par lesquels je suis passée depuis : mais c'est sans doute un fantasme de l'admiratrice de Zola que je suis).

     

     Mais au-delà de la jouissive surprise qu'il procure à l'interlocuteur, du décalage dans le langage, de la satisfaction de l'auto-dérision, de notre histoire commune (car nous nous appartenons l'un à l'autre, dans cette double-appropriation dont j'ai parlé plus haut), je le trouve plaisant, ce mot.

     W-E-S-H. Double-vé-euh-èsse-hache. Wesh. Ouèch'. Il sonne doux, à prononcer. Que des voyelles, c'est comme la jolie courbe d'un toboggan, quand la bouche, de presque fermée, s'ouvre comme un ressort en lâchant son « ouais ». Et puis « schh », la conclusion chuintante, tranquille, comme pour marquer un dernier murmure, achever le mot en douceur. C'est un mot à la fois bien vif et très doux, comme le gazouilli d'un enfant qui s'éveille au monde, les aigus en moins, peut-être.

     A l'écrit aussi, il faut avouer qu'il a un côté délicieusement exotique, avec ce W massif mais pourtant étonnant, car on en voit si peu, des W, dans la langue française. Avec le léger sh de la fin, ça lui donne un côté irrésistiblement anglais, et par conséquent moderne  et ça me surprend toujours, qu'un mot aux sonorités tellement voyelles n'en contienne qu'une, le e du milieu, dont il me donne toujours l'impression qu'il en est la colonne vertébrale et toute la droiture, sans jamais parvenir à s'imposer vraiment, et je le perçois toujours si fragile et petit, coincé entre ces consonnes, que je me permets parfois de l'écrire Wouesh, pour rendre aux voyelles ce qui leur appartient, et donner à ce pauvre e un peu de compagnie.

     

     Enfin, bref, il est plaisant, ce mot. Il sonne doux mais vif à la fois, car on sait son contexte, et il a un côté définitivement joyeux qui me plaira toujours (car Wesh, est-ce qu'au fond ce n'est pas un Ouais positif et négligeant à la fois ?).

     

    Et puis, wesh, il est cool, ce mot, un point c'est tout !


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  •  

    ... donc je dessine mieux que vous.

     

     Article que je tenterai de faire court et concis (et qui donc sera vraisemblablement suivi d'autres pour compléter ma pensée).

     Par où commencer ? Peut-être par ce fantastique tutoriel de dessin de zèbre que je vous avais proposé il y a quelques mois... Ou bien peut-être par ces commentaires, lus sous un article de Y. O. K. O l'autre jour (elle dessine très-très-très bien et plus tard quand elle sera une grande artiste je serai contente de l'avoir eue dans mes contacts, allez voir, c'est par ici) :

     

     Ou non, je vais plutôt commencer par Ratatouille. Vous voyez le dessin animé ? Dans ce dessin animé, le chef-cuisinier a écrit un livre intitulé Tout le monde peut cuisiner, titre dont je suppose qu'il incitait à contrer l'auto-censure. Et d'ailleurs, même un rat peut cuisiner !

     

     Chaque fois que j'entends quelqu'un dire « Je ne sais pas dessiner », je pense à ce livre, et j'ai envie de répondre : « Tout le monde peut dessiner. ». Eh, et en fait, c'est même vrai, tout le monde peut tenir un crayon et tracer un truc avec. Ce qui ne veut pas dire que vous ferez un chef d'oeuvre, certes. Mais dessiner, c'est un bon début.

     

     Et puis de toute façon, si vous ne savez pas dessiner, alors moi non plus je ne sais pas dessiner. Parfois je me dis "allez, je vais faire un vrai dessin, sérieux et tout", et je trace les contours d'un visage... Et fuck, déjà ça fait une patate, même pas un joli cercle. Je pourrais perdre une heure à gommer et à refaire ce contour. Après il faudra faire les yeux, et les cils, et comme je veux être réaliste, je les dessine tous, et après on dirait une chose avec plus de mascara que de visage. Dois-je encore évoquer les lèvres, que je rends grossièrement énormes en tentant de leur donner des courbes ?

     Bon. Je ne sais pas dessiner un vrai visage de manière réaliste. Je ne sais rien dessiner de réaliste, je sais juste faire des bonhommes-bâtons et des soleils dans des coins, moi. Okay. Et alors ?! Ne pas maîtriser les techniques du dessin tel qu'on le reconnaît comme étant professionnel (ne mentez pas : vous vous dites plus facilement qu'un dessin réaliste réussi est professionnel qu'un dessin un peu « gamin » réussi — et vous avez tort), ne pas avoir le temps, le courage ou l'envie de m'atteler à des tutos... Ça ne fait pas de moi une nulle en dessin.

     Et en fait, j'ai dû m'approprier la nullité que je pensais avoir. Je ne savais rien dessiner, à part peut-être des bonhommes-bâtons. Bon, faisons des bonhommes-bâtons. Je me suis spécialisée dans le bonhomme-bâton. J'ai fait des bonhommes-bâtons avec des postures représentatives de leurs émotions. J'ai joué avec l'épaisseur de mes traits pour suggérer les vêtements. Je les ai découpés et collés pour qu'ils se détachent un peu du fond (et aussi parce que comme ça si je ratais mon bonhomme-bâton, ben je pouvais toujours recommencer, sans avoir à refaire mon fond). Je me suis approprié le bonhomme-bâton. Et vous savez quoi ? J'ai des amies qui dessinent de manière super-réaliste, eh bah elles savent pas faire de jolis bonhommes bâtons comme moi.

     

     Je pensais être nulle en dessin, et je me suis donc contenté de dessiner ce que je pensais à peu près savoir faire. J'ai utilisé des astuces et des trucs tout bêtes pour camoufler ce que je ne savais pas faire (par exemple, mes bonhommes-bâtons portent des écharpes parce que j'ai l'impression que leurs cous sont moches). Ce faisant, j'ai dû réfléchir pour exploiter l'intégralité de mon faible potentiel. Et ça a donné des trucs qui me plaisent. Je ne pensais pas pouvoir faire des trucs aussi chouettes. En fait, je dessine même mieux que si je savais dessiner. Parce que ne sachant pas dessiner, j'ai dû faire avec. Et en fait, c'était ce qu'il y avait de mieux à faire. Je dessine beaucoup mieux que si je savais dessiner et que je dessinais bêtement de manière réaliste tout ce qui me tombait sous les yeux.

     

     Y. O. K. O. prétendait plus haut ne pas savoir dessiner de chapeau et utiliser une astuce minable à la place. Mais ce faisant... Elle dessine un chapeau, et réussi qui plus est !

     

     Alors, oui, pratiquer, maîtriser la technique, essayer de nouveaux styles, c'est important pour qui veut vraiment savoir dessiner. Je ne dénigre pas cela : simplement, ça ne fait pas tout. Apprendre à faire avec ce que l'on sait faire, utiliser des astuces pour masquer le reste... C'est aussi ça, dessiner, dessiner pour de vrai. Dessiner c'est s'approprier sa propre façon de dessiner. Et c'est aussi, comme je l'avais écrit dans mon tuto sur le zèbre, aller chercher plus loin que le simple rapport entre le crayon et la feuille. C'est parvenir à rendre une image, une idée, avec des choses qui ne sont pas nécessairement dans le style « réaliste » mais qui sont tout aussi efficaces. C'est jouer avec ce qu'il y a à portée de main.

     

     En fait, dessiner, c'est s'amuser, quoi.


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  •  Allez au cinéma le soir quand il fait encore jour, et ressortez tout éblouie dans la nuit.

     Dévalez les rues en riant, mangez n'importe quoi à toute heure, traversez au feu rouge ; ratez votre bus et décidez d'aller tout à fait ailleurs qu'on ne vous attend.

     Marchez à tout hasard dans la ville en regardant les bâtiments autour de vous, perdez-vous dans des ruelles exotiques ; souriez aux passants et faites de larges signes aux amis aperçus de loin.

      Flânez dans les musées, allez voir des pièces de théâtre sur un coup de tête ; acceptez toutes les propositions qu'on vous fait, faites-en de plus folles encore en retour.

     Lisez le journal sur un banc, repartez en le laissant à d'autres, griffonnez négligemment de la poésie partout où vous allez ; entamez des correspondances.

     Installez-vous à un café, commandez du jus d'abricot, regardez les gens passer, parlez politique avec vos amis ; refaites le monde.

     Apprenez des vers et de la prose, des manifestes, du théâtre, et récitez-les en toute occasion ; flirtez avec des inconnus, puis reprenez seule votre chemin.

     N'allez jamais nulle part sans un bon livre sur vous, faites intervenir la philosophie dans chaque débat ; croyez en tout.

     Dessinez dès que vous le pouvez, racontez des histoires aux enfants ; écrivez des lettres d'amour enflammées.

     Mettez-vous à la fenêtre, le soir, regardez les lampadaires et la lune ; parlez au vent de vos pensées les plus intimes.

     Écoutez du jazz, rêvez pendant des heures ; allez à la bibliothèque et ressortez-en sans avoir rien fait.

     Feuilletez la Critique de la Raison Pure en pensant à autre chose ; tombez résolument amoureuse.

     Écrivez de tout, projetez d'entrer à l'OuLiPo ; laissez mille projets inachevés, commencez-en mille autres, et riez de tout.

     Promenez-vous par les soirs bleus d'été ; ne parlez pas, ne pensez rien, mais allez loin, bien loin... Par la Nature - heureux comme avec une femme.

     Vivez.


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