• Et après-demain

     Je me souviens précisément de la première fois où on m'a demandé où est-ce que j'habitais, et où j'ai répondu que je ne savais pas. Ou que, plus exactement, je m'apprêtais à déménager une semaine plus tard, mais que je ne savais pas où est-ce que j'allais habiter ni même dans quel pays, si bien que je ne voyais pas très bien quoi répondre à la question. Je me souviens que face à l'incrédulité de mon interlocuteur, j'avais répondu avec légèreté : Oh, allez, il faut ça pour te surprendre ?

     Après ça plusieurs mois se sont écoulés. Un jour je me suis retrouvée sur les routes. On me demandait pourquoi j'étais dans telle ville et je répondais : mais j'y étais il y a deux heures, je n'y suis plus maintenant... Pendant des jours de localisation indécise. Je suis revenue chez moi et ensuite j'ai su que je devais repartir. Aux gens qui me demandaient ce que je devenais, je disais : la semaine prochaine je suis peut-être dans un autre pays, je ne sais pas. Et je riais. Dix jours après j'étais effectivement partie.

     J'ai trouvé où habiter une semaine avant d'emménager. C'était des mois après la première fois où j'avais évoqué mon déménagement inconnu : en fait, j'avais juste pris un détour.

     

     Je dois rendre les clés de ma coloc' dans deux jours. Je ne sais toujours pas où est-ce que je vais habiter ensuite. Bon nombre d'amis m'ont proposé d'habiter chez eux provisoirement, mais j'ai décliné à chaque fois. Je leur ai dit : je change de pays deux semaines, je verrai bien après. L'idée commence à me faire rire à nouveau. J'ai ma rentrée dans quinze jours, et je ne sais pas dans quelle ville j'habiterai, avec qui, à quoi ça ressemblera.

     Mon quotidien est comme suspendu par cette interrogation. Mais, pour des semaines d'inquiétudes et de doutes, voilà : j'atteins enfin ce stade où ça me devient égal. C'est presque comme un jeu, je me vois me jeter dans l'inconnu et je ne m'inquiète plus de savoir ce qu'il y a de l'autre côté ; seule me reste l'excitation du grand saut. Parce que je sais que je trouverai, et que sinon il y aura toujours des solutions. Quand n'importe quel endroit peut être ta maison, c'est comme si le monde entier t'appartenait. Et quand aucun endroit n'est encore ta maison, tu deviens légère comme un oiseau migrateur. Tu te dis que n'importe où fera l'affaire.

     Alors je regarde par la fenêtre de cette chambre qui ne sera bientôt plus la mienne, et je rêve un peu.

     

     Et après-demain ? Je ne sais pas. Mais ça me plaît d'avance.

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 29 Septembre 2021 à 18:55

    C'est beauu

      • Mercredi 29 Septembre 2021 à 21:58

        Oh ! Merci ! :o

    2
    Samedi 4 Décembre 2021 à 13:11

    Bonjour

    De "Après-demain" (qui me fait penser à "l'instit"), à "Ces soirs-là", en passant par "Le possessif inversé" et "Les allumettes"(qui me fait penser à moi quand je fumais 2 paquets de gauloises par jour)... c'est un voyage de mots, de mots dits qui deviennent cimetière quand ils ont été dits...mais qui sont des images quand on les lit... Mais j'ai pas terminé... j'y reviendrais, de nuit peut-être...!

    Amicalement

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